Rapport général du colloque

Le Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique a organisé les 24 et 25 mai 2016 à l’Ecole Mohammedia des Ingénieurs à Rabat, un colloque scientifique sur le thème « Mise à niveau des métiers de l’éducation, de la formation, de la gestion et de la recherche, pilier de la réforme éducative ».

Ce colloque s’inscrit dans le cadre de l’ancrage de l’approche participative ciblant les acteurs et partenaires du système éducatif et l’opinion publique. Il a mis à contribution des experts nationaux et internationaux, de même qu’il a permis de s’ouvrir aux expériences internationales et aux bonnes pratiques.

Ont pris part à cette rencontre un groupe d’intellectuels et d’experts, d’acteurs éducatifs et sociaux et de représentants de la société civile. Elle s’est assignée pour objectifs de discuter des problématiques essentielles posées par ces métiers, à l’aune des mutations profondes que connait la société et de l’évolution des attentes de cette dernière à l’égard de l’éducation, la formation, la gestion et la recherche, sans manquer de s’ouvrir aux expériences novatrices ayant cours dans certains systèmes éducatifs de par le monde.

Le colloque a veillé à prendre en compte en cela les dimensions humaines, culturelles et sociales des différents métiers de l’éducation et de la formation, de la recherche et de la gestion et les principes fondamentaux qui les sous-tendent, notamment la professionnalisation, le renouvellement continu, l’autonomie responsable, la liberté d’initiative et de créativité, le sens de la responsabilité professionnelle, éthique et civique, qui suppose l’accomplissement des devoirs, couplé à l’exercice des droits humains et professionnels.

Les considérations ci-après ont servi de fil conducteur aux travaux de ce colloque:

  • Les acteurs éducateurs jouent un rôle crucial dans la réforme de l’éducation, en tant que principaux porteurs du changement et catalyseurs de l’édification du Maroc moderne ;
  • Le chantier de rénovation et de mise à niveau des métiers de l’éducation, de la formation, de la gestion et de la recherche gagnerait à mettre à profit le contexte politique et social actuel, particulièrement porteur et propice à la mise en œuvre de la vision stratégique de la réforme ;
  • L’investissement dans la mise à niveau des métiers de l’éducation est un investissement dans le développement durable du capital humain et dans l’arrimage à la société du savoir ;
  • La mise à niveau et la rénovation des métiers de l’éducation, de la formation, de la gestion et de la recherche est une entreprise humaine, portée par des citoyens libres, animés de l’esprit d’initiative et désireux de voir la renaissance culturelle, scientifique, social et économique du pays arriver à maturation.
  • Les métiers de l’enseignant et du formateur, étant entendu que ce sont les plus déterminants, ne sont pas que des métiers techniques qui se limitent à l’exercice impersonnel d’un ensemble de missions institutionnelles. Il s’agit plutôt d’une vocation, à transmettre un savoir-vivre, à partager des connaissances et l’amour du métier, en tant que moteur pour la créativité et l’innovation, que ce soit dans l’organisation des connaissances ou dans le partage d’expériences ou encore dans la construction de relations positives propices à la production et à l’acquisition de savoirs, à la connaissance de soi et de l’autre et à l’apprentissage du vivre ensemble.
  • Les métiers de l’éducation, de la formation, de la gestion et de la recherche sont un champ où s’exercent quotidiennement des interactions humaines, où s’effectue la transmission des valeurs et où se construit le concept de citoyenneté responsable.
  • L’articulation entre les métiers éducatifs et les grandes finalités du système éducatif à caractère sociétal, en particulier l’équité, la qualité, l’intégration, le renforcement des capacités, des connaissances et des valeurs, exige l’adoption d’une approche globale et systémique des métiers éducatifs, en tenant compte de leur caractère complémentaire.
  • L’école dans son acception large, raison d’être même de tous les métiers de l’éducation, de la formation, de la gestion et de la recherche, est voulue comme un espace attractif et plein de vie, une institution appelée à se renouveler de l’intérieur, grâce aux forces vives qui l’animent, notamment les élèves et les étudiants.

La richesse et la diversité des interventions et des débats ayant émaillé le colloque a permis de dégager les principales problématiques abordées par les experts et les acteurs éducatifs, les syndicats, les organisations professionnelles et civiles ainsi que diverses propositions et recommandations, réparties par axe comme suit :

  1. Accès aux métiers de l’éducation, de la formation, de la gestion et de la recherche
  • Révision des modes d’accès aux métiers éducatifs et des critères de sélection des candidats, de manière à recruter « des têtes bien faites » et améliorer les conditions d’attractivité de ces métiers ;
  • Définition des conditions d’accès et de choix, en privilégiant l’amour du métier et la vocation ;
  • Elaboration d’un référentiel des missions et des compétences ;
  • Création d’un observatoire national des compétences et des métiers, pour suivre et anticiper l’évolution des métiers ;

D’autres questions nécessitent cependant un approfondissement du débat et de la réflexion collective. Il s’agit notamment de la diversification des voies d’accès aux métiers, de la contractualisation, de l’articulation formation/emploi….

  1. Formation initiale et continue 
  • Le renforcement continu de la professionnalisation à travers la consolidation de la formation initiale et de la qualification pédagogique, la formation continue et le développement professionnel, en veillant à ne pas confiner la formation à la seule satisfaction des besoins de la fonction mais en garantir l’adaptation permanente à l’évolution des métiers de l’éducation-formation, tant sur le plan national qu’à l’international ;
  • L’institutionnalisation effective de la coordination entre les universités et les différentes institutions et instances chargées de la formation initiale et continue des acteurs pédagogiques ;
  • La diversification des programmes et modes de formation selon les métiers et les besoins des catégories ciblées ;
  • L’adoption de la formation au développement du capital humain et des capacités aux niveaux des savoirs, compétences, valeurs et comportements, ainsi qu’à celui de la gestion des relations et du développement personnel, en sus du renforcement du sens de la vocation chez les acteurs ;
  • L’élargissement de l’offre de formation à travers le développement de la capacité d’accueil des facultés et des centres de formation ;
  • La garantie d’une formation continue à même de répondre aux besoins et d’accompagner l’évolution des métiers ;
  • L’adéquation de la formation au développement de la technologie et l’adoption de méthodes de travail collaboratif et interactif ;
  • La mise à la disposition des acteurs pédagogiques, tant ceux en exercice que les générations futures, des outils nécessaires au soutien et à l’accompagnement à même de les aider à faire face aux difficultés inhérentes à l’exercice des métiers ;
  • L’élaboration d’une stratégie de communication efficace qui fasse connaître le nouveau projet auprès des étudiants dans les différentes filières de formation.
  1. Recherche scientifique et pédagogique
  • La réaffirmation de la nécessité de la recherche en formation, en pratiques, en planification et en encadrement et de la promotion de l’innovation, notamment en termes de vision des nouveaux rôles des différents acteurs ;
  • L’encouragement de la recherche dans le domaine des sciences pédagogiques, didactiques et de gestion au niveau des établissements d’éducation-formation afin de rehausser la qualité de la performance des acteurs.
  1. Droits et obligations
  • La prise en compte de la composante éthique et de valeurs des métiers dans ses dimensions individuelle, sociale et humaniste, et particulièrement la dimension de l’appartenance à la société humaine et au système de vie de la communauté du monde et de sa préservation ;
  • L’élaboration d’une charte d’éthique professionnelle qui garantisse la jouissance des droits et l’accomplissement des obligations ;
  • L’association de la motivation et du renforcement des droits à la mise à la disposition des moyens et des conditions optimales à l’exercice des métiers ;
  • La considération de cette charte comme complément des lois et textes régissant les métiers éducatifs ;
  • L’ancrage de la culture de responsabilité, de droit et d’obligation en tenant compte de l’intérêt suprême des apprenants et de la Nation.
  1. Gestion des carrières 
  • La mise en place d’un système transparent et objectif d’évaluation de la performance professionnelle, basé sur les critères reconnus en la matière, en mettant l’accent sur le rôle formateur et qualifiant de l’évaluation ;
  • La refonte du système d’avancement vers une meilleure adéquation à l’évolution des carrières ;
  • L’adoption de l’avancement tout au long de la carrière professionnelle en l’associant au mérite et au rendement ;
  • La garantie de la promotion continue de la carrière des acteurs éducatifs.
  1. Gestion administrative des acteurs
  • La révision et l’adéquation des statuts des personnels de l’éducation-formation en adoptant les catégories spécifiées par la Vision stratégique de la Réforme 2015-2030, vers plus de précision, d’exhaustivité, de motivation, de valorisation et de flexibilité (cadres de l’enseignement, de la formation, de l’encadrement et de la recherche ; cadres de la planification, de l’orientation et de l’inspection ; cadres de gestion administrative, économique et financière…) ;
  • La promotion de l’approche intégrée et transversale, et non plus de l’approche en vigueur, basée sur la catégorisation ;
  • L’adéquation de la gestion des acteurs au mode de gestion du système éducatif, basé sur la décentralisation et la déconcentration ;
  • La mise à jour et l’adéquation des textes régissant le fonctionnement et la gestion dans les établissements d’éducation-formation et l’élaboration de manuels de procédures ;
  • L’institutionnalisation de l’approche participative auprès des intervenants et des acteurs concernés dans la prise des décisions en matière d’éducation-formation ;
  • L’institutionnalisation de la coordination entre les départements directement ou indirectement concernés par l’éducation, la formation et la recherche scientifique ;
  • La garantie d’une démocratisation accrue en matière d’élection d’instances de représentation au sein des établissements (conseils de gestion, conseils d’administration, conseils de formation…) de manière à les outiller pour qu’elles incarnent le principe d’autonomie et de participation dans la prise de décision.
  1. L’amélioration continue des métiers et la réponse aux attentes des individus et de la société  
  • La réponse aux besoins en nouveaux métiers et aux besoins des autres départements en termes de métiers éducatifs, dans le cadre d’une stratégie publique intégrée ;
  • La prise en compte de l’évolution des métiers éducatifs à l’échelle internationale, l’anticipation des métiers de l’avenir et le développement d’outils et de mécanismes de suivi, d’évaluation, d’accompagnement…
  • La relation entre la professionnalisation et l’adéquation des métiers aux conditions et exigences de travail spécifiques à chaque métier ;
  • Le renforcement du rôle des acteurs dans l’élaboration, la réalisation, le suivi et l’évaluation des projets d’établissement ;
  • La reconfiguration des rôles des instances représentatives et des associations éducatives pour répondre aux exigences d’une société en constante évolution ;
  • Le développement de la relation entre les acteurs pédagogiques, administratifs et de recherche et leurs instances représentatives, en vue de renforcer le rôle de ces instances et leur permettre de contribuer efficacement à la promotion des métiers ;
  • La contribution des associations des parents et tuteurs d’élèves, en tant qu’acteurs essentiels dans le fonctionnement optimal de l’école.

Après cette énumération des principes directeurs pour la mise à niveau des différents métiers, il est nécessaire de s’arrêter sur les nouveaux rôles, missions et exigences de chaque métier, et en particulier :

  • Pour les éducatrices et éducateurs du préscolaire : la mise en place d’un cadre légal et la réponse aux besoins en ces métiers, générés par la généralisation obligatoire du préscolaire.
  • Concernant les métiers de l’enseignement et de la formation : la redéfinition des rôles des acteurs éducatifs, culturels et sociaux, l’intégration des missions relatives à la gestion des apprentissages dans les établissements scolaires et de formation, le soutien pédagogique, le développement professionnel, l’encadrement des enseignants et formateurs nouvellement recrutés, l’implication dans la gestion des projets d’établissement et dans la recherche pédagogique.

Par ailleurs, il est utile de prendre en considération les spécificités et exigences des enseignants exerçant dans le milieu rural et dans les zones et conditions difficiles, ainsi que les enseignants des apprenants à besoins spécifiques : handicapés, nomades, délinquants…

  • Concernant les enseignants chercheurs : repenser leur statut dans le cadre du renouvellement de leurs profils, au meilleur service de la recherche et de la gestion des projets de recherche.
  • Quant aux inspecteurs : revoir leurs rôles et missions en vue d’y inclure l’encadrement, la formation, la recherche, la supervision pédagogique, l’évaluation, l’inspection pédagogique des établissements.
  • Concernant l’administration pédagogique : revoir ses rôles sur la base du leadership efficace et responsable et en adéquation avec l’environnement de l’établissement d’éducation ou de formation.
  • La planification pédagogique : le développement de leurs missions dans le cadre d’une approche de pilotage moderne, la contribution à l’élaboration des stratégies éducatives régionales et locales, la gestion des ressources humaines, l’évaluation de la mise en œuvre des plans régionaux, de la performance des établissements scolaires, et l’élaboration de plans, de stratégies et de nouveaux projets relatifs à l’ingénierie des nouvelles formations.
  • Les cadres de l’orientation : la révision de leurs missions pour y inclure l’encadrement des savoirs sur les métiers, les filières et l’actualité de la formation ; l’accompagnement et la réorientation, le soutien psychologique et l’aide à l’intégration dans les environnements de formation.
  • Les personnels de gestion et des services financiers : actualiser les textes organisationnels de ces métiers en conformité avec les besoins de la gestion décentralisée, et mettre en place des formations spécialisées.

Ces conclusions et recommandations ouvrent diverses possibilités pour le lancement de ce chantier qui concerne les acteurs pédagogiques, en tant que pilier de la réforme.